Micro nouvelles
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Un vilain petit chaperon rouge

Qualifié Short Edition, Grand Prix du Court, Hiver 2019

La pauvre mère était aussi rouge que la cape et le bonnet de sa fille réunis. L’enfant s’agitait dans tous les sens, tapait du pied, criait. Elle montrait ses dents qui étaient de grandeur inégale ou pas du tout présentes dans cette petite bouche qui se tordait, bavait et crachait son mécontentement le plus grand. 

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Le réveil de Léo

Qualifié Short Edition, Prix Imaginarius « les ombres », 2018

Bloooonggg… Cette atroce alarme extirpe Léo de sa torpeur lui qui dort en boule recouvert d’une couette bien chaude et toute chiffonnée. Il lui faut plusieurs minutes au son d’une sonnerie bigrement insistante pour émerger d’un sommeil lourd et pesant. Il n’a aucune envie de bouger, se lever et commencer une nouvelle journée.

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El centre del món

Qualifié Short Edition, Prix Quiqui 2018

Ce dimanche de juillet, après une intense matinée de courses effrénées, Salvador rejoignait péniblement sa station. La Gare de Perpignan ne désemplissait pas ; y affluait une multitude de voyageurs venus d’horizons les plus divers. Les singuliers y croisaient les pluriels, les jeunes, leurs aînés, et des hommes et des femmes leur tendre moitié.

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Une bouteille à la mer

Qualifié Short Edition, Faites sourire, Prix 2018

Un mot plus haut que l’autre. Un de ces mots qui dépasse la pensée. Une conversation qui tourne mal. L’inévitable dispute… Ma vue se trouble alors que des larmes coulent sur mes joues. Je sens le sel sur mes lèvres et ai le cœur gros. Je renifle bruyamment et m’essuie le visage d’un revers de main. Devant moi, l’étendue de l’océan immense. Le soleil au zénith semble pourtant vouloir me consoler et m’adresse un petit clin d’œil.

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John

Sa moustache, John l’arbore comme un trophée.

Elle est sa marque de fabrique, son emblème, son identité.

Au sortir de l’adolescence, quand le champ des possibles pour lui s’est élargi, quand le joug paternel s’est affaibli, quand de simple spectateur il est devenu acteur, John a décidé de se laisser pousser la moustache.

Et pas n’importe quelle moustache ! En bon superstitieux, il a opté pour une « fer à cheval », une de ces moustaches qui a le plus de caractère mais qui demande aussi le plus de soins.

Comme une maîtresse exigeante, sa « fer à cheval », son porte-bonheur aussi, demande une délicatesse de tous les instants. Chaque jour, John se rase de près en manœuvrant la lame du rasoir comme un subtil pinceau, un peu comme s’il esquissait sa moustache plus qu’il ne la laissait s’exprimer.

John s’applique et se contemple devant le miroir dont le reflet lui renvoie l’image bien réelle d’un homme fort au cœur tendre.

Dessin : Paul Thery

Second

Il fait encore nuit ce matin de février. Second n’a pas l’esprit tranquille. Il est aux aguets. Il craint quelque chose ou quelqu’un. Son frangin l’a bien sermonné hier soir. Ces choses-là ne se font pas. C’est sûr on va lui rendre la monnaie de sa pièce. On va lui tomber dessus. On va le castagner. On va appuyer là où ça fait mal.

Le cadet a plaqué ses cheveux rebelles, relevé son col et enfoui ses mains dans les poches. Dehors, il avance comme une ombre malade, chétive et allongée. Son pas est aussi léger que l’air qui lui transperce la peau. Ses yeux balayent son champ de vision tandis que ses oreilles captent le moindre bruissement.

Le gros bêta, aussi sec qu’un coup de trique, tient dans sa main nue son arme de défense. Il la tient bien serrée dans sa paume droite. Ses doigts enferment sa survie. Second y cache sa lame de rasoir.

Dessin : Paul Thery

André

André, la soixantaine fringante, arpente tous les matins les rues de son quartier bien avant que ses voisins ne bougent le petit doigt ou le gros orteil. Il est le premier à humer l’air auroral, à poser un regard sur les alentours, à écouter le ronronnement de sa ville endormie. Témoin discret et silencieux, il aime titiller la pénombre fuyante, s’isoler pour mieux se recueillir. Ses jambes décident seules où le conduire, ses mains perdues dans ses poches le laissant libre de penser. Il avance sans but, le nez en avant.

Dessin : Paul Thery

El Gringo

El Gringo avance à pas de loup sur le bitume de cette aire d’autoroute désertée. Il a laissé dans sa cabine la radio et la lumière allumées, le temps de satisfaire un petit besoin naturel. Les étoiles le surveillent et la lune étincelante lui cligne de l’œil. Complice éclairé de leurs va-et-vient, il prie le seigneur de le conduire à bon port. Il mâchonne un vieux chewing-gum en calculant mentalement le nombre de kilomètres parcourus depuis son départ. Avec un peu de chance, demain soir, si tout va bien, il pourra franchir la frontière…

Dessin : Paul Thery