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Mauvaise pioche

« Vous connaissez l’adage. Deux personnes peuvent garder un secret pourvu que l’une des deux soit morte. » En lisant ceci, Lucie ne put s’empêcher de frissonner. Ces mots sur le secret lui faisaient froid dans le dos. Ils évoquaient le silence et la mort qu’elle ne connaissait que trop bien. Comme à son habitude avec les formules qui l’intéressaient, elle découpa la citation de John Le Carré qu’elle plaça dans une petite boîte sur son guéridon. Elle se prépara ensuite une tasse de thé pour se réchauffer et se changer les idées. La pluie avait cessé. Elle aperçut par la fenêtre les enfants Cossecq rentrant de l’école et entendit au même moment le signal habituel donné par leur chien, Hector, qui aboyait en les voyant arriver. Tenant sa tasse entre les mains, elle se dit que le lendemain, elle s’occuperait du potager, ses semis de laitues et tomates n’attendant que d’être plantés. Pour l’heure, elle décida de visiter son territoire, son repère. Chaussée de bottes en caoutchouc et munie d’une vieille cage à oiseaux, elle comptait ramasser des escargots et s’en réjouissait à l’avance.

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Second

Il fait encore nuit ce matin de février. Second n’a pas l’esprit tranquille. Il est aux aguets. Il craint quelque chose ou quelqu’un. Son frangin l’a bien sermonné hier soir. Ces choses-là ne se font pas. C’est sûr on va lui rendre la monnaie de sa pièce. On va lui tomber dessus. On va le castagner. On va appuyer là où ça fait mal.

Le cadet a plaqué ses cheveux rebelles, relevé son col et enfoui ses mains dans les poches. Dehors, il avance comme une ombre malade, chétive et allongée. Son pas est aussi léger que l’air qui lui transperce la peau. Ses yeux balayent son champ de vision tandis que ses oreilles captent le moindre bruissement.

Le gros bêta, aussi sec qu’un coup de trique, tient dans sa main nue son arme de défense. Il la tient bien serrée dans sa paume droite. Ses doigts enferment sa survie. Second y cache sa lame de rasoir.

Dessin : Paul Thery

Bellevue

– Isa, Tante Henriette dit que le repas est prêt.

Je jette un regard à mon frère et lui lance : « ok, ch’arrive ». Je n’ai aucune envie de descendre les rejoindre. Je préfère prendre le temps de me recoiffer. J’essaie d’arranger mes cheveux qui ne sont plus très jolis depuis quelques temps. Ils sont fins, longs et raides. Je regrette les boucles blondes de mon enfance. Je me dévisage rapidement dans le miroir de la salle de bain sans envie, hésite longuement sur le type de coiffure et opte finalement pour une queue de cheval plantée très haut. Puis je choisis des vêtements amples dans lesquels j’aime me camoufler : un vieux jean large et délavé et un long sweat gris très léger.

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