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Qui a tué le Dr Lenoir ?

Nouvelle policière, lauréate du Concours « les Encrivores 2018 », Gironde

Quartier Nansouty à Bordeaux. Dans la cuisine toute en inox de son échoppe qu’il a lui-même entièrement rénovée, le capitaine de police Boris Venturino s’affaire et se réjouit d’avance. Voilà dix jours en effet qu’il est aux trousses d’une certaine langue de bœuf à l’écarlate dont il sent l’issue proche : aujourd’hui, il va finaliser le travail victorieusement. Dans la boîte à viande du frigo, sa marinade est fin prête et n’attend plus que lui. Lui qui a choisi avec soin ses ingrédients au marché des Capucins ; lui qui les a préparés minutieusement en les laissant doucement macérer dans un mélange de poivre, clou de girofle, ail, laurier, huile d’olive et salpêtre ; lui encore qui était là pour retourner la langue tous les deux jours et vérifier qu’elle trempe correctement. A présent, il s’apprête à la faire cuire lentement dans un bouillon aromatique afin de révéler toutes ses saveurs. Lui, le dur, il doit encore peler et émincer l’oignon non sans verser au passage une petite larme. Alors qu’il est en train de rincer la langue à l’eau froide avant la cuisson, son téléphone sonne. On l’informe qu’un corps a été découvert à l’Escape Game Queen – allée Eugène Delacroix – derrière la gare Saint-Jean. Il s’agit d’une mort pour le moins suspecte. Le corps est celui de Faustine Dupon, 41 ans.

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Mauvaise pioche

« Vous connaissez l’adage. Deux personnes peuvent garder un secret pourvu que l’une des deux soit morte. » En lisant ceci, Lucie ne put s’empêcher de frissonner. Ces mots sur le secret lui faisaient froid dans le dos. Ils évoquaient le silence et la mort qu’elle ne connaissait que trop bien. Comme à son habitude avec les formules qui l’intéressaient, elle découpa la citation de John Le Carré qu’elle plaça dans une petite boîte sur son guéridon. Elle se prépara ensuite une tasse de thé pour se réchauffer et se changer les idées. La pluie avait cessé. Elle aperçut par la fenêtre les enfants Cossecq rentrant de l’école et entendit au même moment le signal habituel donné par leur chien, Hector, qui aboyait en les voyant arriver. Tenant sa tasse entre les mains, elle se dit que le lendemain, elle s’occuperait du potager, ses semis de laitues et tomates n’attendant que d’être plantés. Pour l’heure, elle décida de visiter son territoire, son repère. Chaussée de bottes en caoutchouc et munie d’une vieille cage à oiseaux, elle comptait ramasser des escargots et s’en réjouissait à l’avance.

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Bellevue

– Isa, Tante Henriette dit que le repas est prêt.

Je jette un regard à mon frère et lui lance : « ok, ch’arrive ». Je n’ai aucune envie de descendre les rejoindre. Je préfère prendre le temps de me recoiffer. J’essaie d’arranger mes cheveux qui ne sont plus très jolis depuis quelques temps. Ils sont fins, longs et raides. Je regrette les boucles blondes de mon enfance. Je me dévisage rapidement dans le miroir de la salle de bain sans envie, hésite longuement sur le type de coiffure et opte finalement pour une queue de cheval plantée très haut. Puis je choisis des vêtements amples dans lesquels j’aime me camoufler : un vieux jean large et délavé et un long sweat gris très léger.

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